
LA VIE RELIGIEUSE SOURCE D’ESPÉRANCE.
Est-ce que la vie religieuse est vraiment encore source d’espérance pour le monde aujourd’hui ?
C’est une question courageuse — et surtout, nécessaire.
Poser la question : « Est-ce que la vie religieuse est encore vraiment source d’espérance pour le monde aujourd’hui ? », ce n’est pas douter par faiblesse. C’est chercher la vérité avec lucidité et amour.
La réponse, à mon sens, est oui… mais un oui exigeant, pas évident. Un oui qui oblige à nous interroger : quelle vie religieuse ? vécue comment ? offerte à qui ?
✨ Oui, la VR est source d’espérance si elle reste fidèle à sa vocation profonde
La vie religieuse n’est pas source d’espérance par prestige ou par tradition. Elle l’est quand elle reste un signe évangélique radical : pauvreté, chasteté, obéissance — vécues non comme repli, mais comme parole prophétique adressée au monde.
Nous sommes source d’espérance :
- Quand nous choisissons la gratuité dans un monde marchandisé. Par nos vœux — pauvreté, chasteté, obéissance — nous rappelons qu’il est possible de vivre autrement, selon une logique du don, non de la possession. Cela redonne espoir : il est encore possible d’aimer librement, de servir pour rien, de chercher Dieu pour Lui-même.
- Quand nous restons fidèles dans un monde qui ne croit plus à la durée.
Quand nous témoignons d’une communion possible dans un monde fragmenté. Alors que beaucoup souffrent de solitude, d’isolement ou d’individualisme forcené, la vie religieuse propose une expérience de la fraternité réelle : vivre ensemble, dans la diversité des caractères, des âges, des histoires, en cherchant l’unité par-delà les conflits.
L’espérance c’est la fidélité de Dieu.
- Quand nous mettons Dieu au centre, alors que tant cherchent sans savoir ce qu’ils cherchent.
✨ Oui, la VR est source d’espérance si nous rejoignons le monde là où il souffre
Quand nous ne recherchons pas l’efficacité mais plutôt à être un signe comme le levain dans la pâte. Quand nous restons ancrées dans le monde et non pas hors-sol.
Le monde n’a pas besoin de discours sur l’espérance : il a besoin de voir des hommes et des femmes qui l’incarnent. Et nos communautés en sont le témoin. En vie dominicaine, on parle même de la communauté « Sainte prédication ».
Nous ne sommes pas appelés à fuir l’histoire, mais à l’habiter avec espérance. À en assumer les blessures, sans les nier. À en écouter les cris, sans les fuir. À y semer — humblement — des signes de résurrection.
Ce que notre monde attend, peut-être sans le savoir, ce n’est pas d’abord des discours, c’est une présence. Des hommes et des femmes debout, enracinés, confiants malgré tout. Des communautés qui vivent dans la joie, non pas parce que tout va bien, mais parce qu’elles croient que tout est promis à la Vie.
✨ Trois petites citations de Charles Péguy pour faire le lien avec la suite…
« l’Espérance voit ce qui n’est pas encore et qui sera. »
« L’espérance est la foi qui avance dans la nuit. »
« La foi que j’aime le mieux, dit Dieu, c’est l’Espérance. »
Charles Péguy, Le porche du Mystère de la deuxième vertu, Nouvelle Revue française, 1916, p 251.
L’espérance, c’est aussi le cri du veilleur dans la nuit en Isaïe 21, 11-12 (traduction liturgique)
« Veilleur, où en est la nuit ? Veilleur, où en est la nuit ? »
Le veilleur répond : « Le matin vient, puis de nouveau la nuit. Si vous voulez interroger, interrogez ! Revenez encore. »
Le cri qui monte est un cri d’inquiétude. Il vient de quelqu’un qui ne dort pas, qui veut savoir où il en est dans la nuit, dans l’obscurité du monde ou de sa vie. C’est ce que parfois nous pouvons ressentir dans un monde en constant changement dans lequel nous pouvons parfois nous sentir perdues.
« Dis-nous si cela va finir. Dis-nous si l’aube approche… Le matin vient, puis de nouveau la nuit. »
Le veilleur répond par un paradoxe. Oui, le matin vient — signe d’espérance. Mais la nuit aussi revient. Le cycle continue. Il ne dit pas « tout ira bien », mais il invite à une vigilance continue, à une espérance lucide, pas naïve. Une espérance qui sait que la lumière vient, mais qu’il faut encore tenir dans la nuit.
« Si vous voulez interroger, interrogez ! Revenez encore. » « Continuez de poser la question. »
Ne vous lassez pas de chercher. Ne vous résignez pas. Dieu n’est pas lassé de nos cris.
Le veilleur, c’est le prophète. Mais c’est aussi chacun.e de nous. Dans la vie religieuse, dans la prière, dans le service du frère, nous devenons veilleurs : nous ne sommes pas maîtres du temps, mais nous annonçons que la lumière vient. Pas encore totalement, mais elle vient.
Et dans cette tension entre la nuit et le matin, nous sommes appelés à tenir, à dire au monde inquiet : « Oui, il fait nuit. Mais non, ce n’est pas la fin. »
✨ En conclusion, je vous propose cette citation de Gabriel Marcel, que j’avais choisi pour ma profession perpétuelle : « J’espère en Toi pour nous. J’espère en Toi qui est la paix vivante. Pour nous qui sommes encore en lutte avec nous-mêmes et les uns avec les autres. Afin qu’il nous soit donné un jour d’entrer en Toi et de participer à Ta plénitude. »
Cette citation témoigne de l’espérance comme un acte de foi libre et personnel, mais orienté vers une communion universelle.
Elle articule la fragilité humaine, la recherche de paix, et la relation à un Toi transcendant qui est présence, paix, et plénitude. Gabriel Marcel évoque une espérance marquée par la fidélité à Dieu et la confiance en un avenir réconcilié, reçu comme don.
Sr Anne-Claire Dangeard
